Bobo à mon épi de faîtage, facile à réparer pour une céramiste comme vous non ? 27 août 2021 – Catégorie: Insolite
Il y a des jours comme ça où on a des demandes qui peuvent paraître étonnantes.
C’est en poussant la porte de la boutique éphémère où je présentais mes céramiques qu’un gentil monsieur me montre ce qu’il a sous le bras : un épi de faîtage cassé. Un épi de faîtage vous savez ce que c’est ?
C’est une pièce ornementale composée de plusieurs morceaux montés sur tige qu’on place aux extrémités d’un faîtage de toiture.
L’épi de faîtage est censé permettre l’étanchéité de la charpente traditionnelle de la toiture en couvrant et protégeant la partie saillante. Il a aussi une fonction décorative puisque chaque épi peut déployer des symboles, emblèmes ou armoiries.
Souvent fait en fer mais aussi en bois, il existe aussi des
modèles traditionnels faits en terre cuite et émail. Voilà pour la petite leçon
de chose, j’arrête là.
Je reviens à mon gentil monsieur et son épi de faîtage qui est bien en
céramique.
Mais il est cassé et il me l’a apporté pour savoir si je peux le réparer ou le refaire.
Pour le réparer, c’est un peu compliqué, vu que la pièce est
déjà cassée et recollée, que des morceaux manquent et que je ne vois pas
comment je pourrais à la fois rajouter et réparer sans que cela ne se brise à
la cuisson.
Pour la refaire, dans la mesure où le client ne demande pas à ce que ce soit
exactement à l’identique, pourquoi pas. C’est surtout les couleurs de l’émail
qui seraient difficiles à reproduire sans faire un très très grand nombre de
tests, très chronophages.
La tâche reste difficile car la pièce se compose d’un bulbe très pointu posé sur une corolle de 8 pétales et l’émail passe du jaune verdâtre au bleu turquoise.
Rendez-vous est pris. Armée de patience, je mesure la hauteur, le galbe du bulbe, la teille des pétales, et je monte au colombin la forme initiale. Mon premier essai n’est pas concluant, j’écrase tout et je recommence.
C’est un peu ardu de refaire une forme sans avoir le moule d’estampage (c’est la méthode utilisée pour la création des épis de faîtage) mais le second essai est le bon.
Je montre quelques photos à mon client durant le modelage, puis la pose des engobes couleur. J’ai entretemps fait des essais de cuisson à partir d’une dizaine d’émaux différents pour obtenir un jaune verdâtre et un bleu turquoise, proches du modèle. La contrainte concerne la transparence qui doit montrer la terre rouge qui sert de base.
La sortie du four est toujours une surprise. N’étant pas complètement satisfaire du résultat, je refais des tests en prévision d’une 2e cuisson. C’est un des plaisirs de la céramique : quand l’émail obtenu ne vous convient pas, vous pouvez ré-émailler et remettre au four 😉
Ce qui fut fait.
Au final, une pièce très proche du modèle à laquelle j’ai proposé d’ajouter un petit « manchon » (c’est le terme utilisé pour chaque pièce d’un épi de faîtage) de façon à ce que le propriétaire puisse avoir une seconde pièce avec des coloris assortis à celle avec le bulbe.
Depuis, l’épi de faîtage trône au milieu du salon de son propriétaire.